Smells Like Bitch Spirit


Sur le circuit de la trivialité collective, où se croisent sans cesse esbroufes gonflées et éternuements violents, l’accident est bien trop rare. Alors il faut un jour se résoudre à le provoquer soi-même, sous peine de manquer rompre cet infini paisible et imposé, toupies colossales et navrantes. — Verbaliser ces mouvements insipides avant l’Achèvement. — Fonder entre la terre et l’évier, un ouragan de liqueur transbrillante des bouteilles de carburant qu’on évide dans nos gorges d’aluminium, autoroutes du temps tranchées par la seule souplesse des hautes paires de cuisses de chair, d’or et de pneu, écartées, racoleuses, qui forment des ponts cyclopéens au-dessus de la grande piste homologuée, voie de manège, d’où quand même, surplombée, la vitesse s’incline pour laisser parfois à son pilote, lorsque ses paupières capricieuses le lui permettent, la chance d’entrevoir à travers son bouclier teinté et de Norme Française, un fragment de seconde, une grotte obscure et profonde où se réfugier. — Sortie de route !... — Dégringoler le long d’un de ces rubans de tissus organiques, rétrograder du sombre au rouge, puis du rouge au vif, avant de se jeter dans un dernier verre plein... propulsé par le souffle brûlant d’un cri de départ nouveau. Infiniment loin du fébrile coup de drapeau manucuré et résonnant encore mais de manière infiniment peu certaine... S’il faut fuir, songe-t-il, ce sera pour courir s’abriter dans un bunker de bois ; très loin de la bande d’arrêt d’urgence ; un de ces jours qui échappent indéniablement au calendrier grégorien, un de ces jours si peu évidents qu’ils nécessitent nul nom, nul verrou, seulement un emplacement : précisément à l’encoignure des semaines, un de ces fameux jours qui se situent à l’abri du temps et du ciel, sous un plafonnier, très exactement entre dimanche et lundi. Un de ces jours infiniment nombreux mais étroits, et qui se referment sur une existence en marge, volontairement solitaire, libre, secrète et vouée à cette seule perpétuité qui vous déloge enfin de l’ennui et des autres, mais fatalement aussi, de la probabilité d’un nouvel accident.


Texte d'une exposition d'Alexandra Kawiak. Galerie Frédéric Lacroix. 2010