L'antiféminisme est l'avenir de l'antimachisme


Je n'aime pas le machisme, mais je déteste encore plus vivement le féminisme. Pourquoi ? Parce que le premier, on le dénonce de partout, mais je ne le vois jamais, tandis que le second s'impose à sa place, comme une évidence qui ne saurait plus subir la moindre entaille, le moindre reproche, fût-il d'ailleurs pour le véritable bien des femmes.

La critique des femmes ou d'une catégorie sociologique de femmes, notamment l'héritière du féminisme, relève de la transgression, du blasphème. Ce n'est un secret pour personne ayant tenté l'expérience que les féministes (féminins et masculins) tiennent d'une main fastueuse et crispée les principales manettes d'influences culturelles parisiennes. Par exemple, c'est impensable d'imaginer publier un roman qui se moquerait des parvenues qui font florès du seul fait de leur féminité, de leur genre (et qui s'emploient à faire croire le contraire en empochant au passage l'admiration du sexe éternellement galant), ou vanterait le seul fait d'être un homme qui compte la virilité parmi ses valeurs, un caractère bien trempé dans celui-ci, ou seulement son identité souveraine de toute influence et de toute arrogance extérieure (d'ailleurs cela ne vous viendrait même plus à l'idée, pour la plupart, tellement le matraquage est féroce et va en s'accentuant, en se radicalisant), à l'heure en effet où le paysage culturel occidental regorge d'apologies de la femme, de la superfemme, de l'hyperfemme, ou de littérature et marketing misandres en tous genres.
En revanche, remarquez que les propos et attitudes machistes sont paradoxalement tolérés de nos jours, subventionnés par une certaine condescendance de gauche ou sauvegardée par une génération de « fils à maman » qui projettent dans ces fictions sexistes, qui s'exacerbent à mesure de son effacement concret, ce que j'appelle phénomène de machisme par procuration (culture rap, culture de « banlieue », ou dirons-nous, machisme exotique, d'importation extra-européenne, précisément celle d'une Afrique transfigurée, télégénique ayant fait escale par MTV). Pourquoi ? Pour cette raison toute bête que le machisme est admis comme une idéologie de facto arriérée, et qui donc en rien ne vient contrarier cette idée, aussi moderne qu'obscure, et qui continue impunément de se répandre, que féminité est vaguement préférable en tout... C'est peut-être votre opinion, aujourd'hui, car la femme fut un temps l'avenir de l'homme lassé de lui-même. Ce n'est pas la mienne ; et vous avez le droit, après tout. Le problème, c'est que si vous vous mettiez à penser le contraire, ce que vous croyiez profondément un droit serait aussitôt brisé d'un déclic de votre conscience, de votre fierté, oserais-je même dire... La gynomanie étant, vous l'ignorez seulement, un pilier irréfutable et central de la morale postmoderne, la musique qui couvre une chorégraphie idéale des rapports de forces sociales où la brutalité politique potentielle de l'homme se couche devant l'objet sexuel raréfié qui réserve sa docilité à l'Entreprise qui lui rend bien, en de maintes caresses toujours plus exclusives.

Quiconque se veut un antiféministe de raison, doit être avant tout un antimachiste convaincu (non refoulé, je précise bien : « convaincu ». Il doit passer par un moyen sain de s'affranchir de l'idéologie féministe de dévaluation systématique des traits masculins), sous peine de n'être en définitive que l'idiot utile d'une intelligentsia féministe, comme le sont ces rappeurs bandits de pacotille entourés de demi-bitches en bikinis (demi, je précise, parce que l'autre moitié est évidemment motivée par la vénalité) qui servent de preuves mensongères d'un machisme toujours animé et nocif, et alors comme caution idéologique et politique de poursuivre une féminisation globale sous couvert du label attendrissant de « féminisme ». 
Il en est de même du modèle « porno ». Les perdants du « porno » n'étant pas seulement les filles, mais tout autant les garçons qui s'identifiant à des figures sexistes fictives dégradent leur image de genre dans un « marché » réel du sexe régulé en réalité par une codification patriarcale largement féminisée, disproportionnellement favorable à la fille, et où le garçon pour obtenir des faveurs se soumet à un ensemble strict et contraignant (semblable à un rituel de soumission psychologique sincère ou pas, qui n'est « romantisme » que de façade) d'attitudes jugées séduisantes. En somme, la suspicion "porno" (au sens large) ne fait qu'aggraver la défiance à son égard. 

Le machisme, c'est l'origine de l'imbécile guerre des représentations sociales des sexes. Résultant de celui-ci, le féminisme est étymologiquement programmé pour suivre la même trajectoire en sens inverse. Ils sont faits pour se percuter quand aucun d'eux ne cède le passage à la vanité angoissée de l'autre. Triste perspective. Rester ou redevenir un homme, ou rester ou redevenir une femme sans recours à ces sinistres idéologies analogues de machisme et de féminisme, qui partant tous deux d'une peur compétitivement symétrique aboutissent à un réflexe identique de volonté de domestiquer l'autre sexe, c'est mettre un terme définitif à ces prétentions ridicules qui enflent d'ignorance et de ressentiment des hommes et des femmes destinés à la base à s'unir, se compléter et se réconforter — ou pour résumer le plus archaïquement du monde : à s'aimer.

Pour certains hommes qui se prétendent féministes, et souvent de manière plus virulente encore que les femmes, le féminisme s'avère chez eux le signifiant d'une galanterie inavouée, subrepticement réincarnée dans l'air du temps. Dans leur imaginaire, avant que surgisse le mouvement féministe de l'histoire « des femmes opprimées depuis la nuit des temps », les femmes vivaient soi-disant comme individus de seconde zone dans un monde pénible pour elles qui, construisent-ils, méprisait systématiquement les femmes par pur caprice, sous-entendu instinct puéril, et les maintenaient en captivité domestique, par peur que leur potentiel révolutionnaire n'explose aux mains d'hommes si misérables au fond d'eux que seuls la jalousie et l'égoïsme du pouvoir pouvaient les préserver de la puissance féminine maintenue en captivité, et motiver alors une attitude désirée historiquement unanime. C'est évidemment une caricature simpliste, et sur elle se fonde et se légitime encore la diabolisation permanente de la culture masculine, celle des garçons comme celles des pères aliénés par la misandrie institutionnelle. S'agissant du monde européen, c'est une déformation grotesque. De tous temps et partout, la nature distribue le pouvoir individuel non jamais selon le sexe, mais toujours selon les tempéraments et les caractéristiques morphologiques préalables, eux-mêmes modelés par des paramètres familiaux, transgénérationnels et sociaux, pas si énigmatiques que ça en réalité, pour qui possèdent des notions d'interprétation psychologique et sociopsychologique.

Il n'est pas difficile de puiser de nombreux exemples qui contredisent le fantasmatique patriarcat misogyne de nos aïeux (en réalité, qui péchait originellement par surprotection des femmes). Il faut retrouver le courage d'une certaine objectivité, d'un certain recul, de mesure dans la façon d'observer le passé. Sinon, le jour où les forces armées du monde occidental seront intégralement composées de drones et d'engins automatiques pilotés à distance par des fonctionnaires tous bien au chaud et à l'abri de la moindre égratignure, il est inévitable qu'une ultime armada de féministes enragées et volontaires à en mourir s'offusquera que ces goujats de gradés aient gardé, rien que pour eux, et durant tant de siècles, les jolis lauriers de la guerre ! Tout épisode historique a ses raisons, ses pressions et ses buts précis. Occulter ce contexte ne débouche que sur des procès exponentiellement abusifs qui ne font que répéter les mêmes fautes en s'échangeant simplement les maillots.


RF, 13 décembre 2012

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