SÉQUENÇAGE / CADRAGE SÉQUENCIEL

Essentiel de photographie

Une photographie se définit surtout par ce qu'elle est un cadre. L'intensité surgit de cette délimitation. À l'intérieur, le photographe n'intervient pas : l'interaction n'aboutirait qu'à pervertir l'événement. Il ne le souhaite pas. Du moins s'il veut rester un peu honnête.
Le cadre, pense-t-il, ne fait qu'attribuer un « début » et une « fin » à la réalité intégrale. Un tel pouvoir, à priori, n'incommode pas sa vision. À partir du cadrage, pourtant, on ne peut plus davantage parler de réalité. Et pour cause, il s'agit d'art. Ni de mentir, ni de dire vrai. L'image provoque sur celui qui la contemplera l'impression irrésistiblement fausse que la réalité est simple, qu'elle l'a toujours été... Le cadrage est l'art de décapiter la complexité.

Séquençage, comme équivalent filmique du cadrage photographique

L'usage tend à limiter cette idée de photographie à l'instant figé. Comme si la capture n'en était plus une, à partir du moment où la chose s'animait dans sa cage. Au regard de ce qui vient d'être dit, on ne voit pas pourquoi cette délimitation de la réalité intégrale ne s'appliquerait pas au film. On ne voit pas pourquoi d'un « début » et une « fin » attribuée à la réalité ne découlerait pas une intensité propre ; une intensité arrachée à celle propre de l'événement en question. Ce qui est montré par un cadreur, comme nous l'avons précisé, n'est pas un propos exact de la réalité, mais une façon parmi tant d'autres de voir une même chose. Ainsi, le regard d'un énième cadreur peut-il aisément se superposer au regard du cadreur original sans pour autant montrer à voir la même chose. Cela tient du cadrage, répétons-le ; du caractère spécifiquement artistique et déterminant du cadrage, largement plus important, en photographie, que les divers aléas de nature technique qui font de l'image un simulacre de matière ou de peinture. Cadrage pur : sans intervention à l'intérieur de ce cadre ; sans autre manipulation que celle qui consiste à découper, isoler l'événement d'un événement de la réalité intégrale. Plus la probabilité est faible de ressentir face à l'événement retranscrit la même chose que ce que le cadreur original a ressenti face à l'événement réel, plus cet objet filmique est photographique. Plus l'image provoque chez celui qui la contemple le sentiment que la réalité est autrement intéressante ; personnelle.



4 mars 2014

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